Titre : Nickel Boys
Titre original : The Nickel Boys
Auteur : Colson Whitehead
Traduction : Charles Recoursé
Édition : Albin Michel
Parution : 2020
Nombre de pages : 259
Synopsis : Dans la Floride ségrégationniste des années 1960, le jeune Elwood Curtis prend très à cœur le message de paix de Martin Luther King. Prêt à intégrer l'université pour y faire de brillantes études, il voit s'évanouir ses rêves d'avenir lorsque, à la suite d'une erreur judiciaire, on l'envoie à la Nickel Academy, une maison de correction qui s'engage à faire des délinquants des "hommes honnêtes et honorables". Sauf qu'il s'agit en réalité d'un endroit cauchemardesque, où les pensionnaires sont soumis aux pires sévices. Elwood trouve toutefois un allié précieux en la personne de Turner, avec qui il se lie d'amitié. Mais l'idéalisme de l'un et le scepticisme de l'autre auront des conséquences déchirantes.
Points + : OwnVoice, les personnages d'Elwood et de Turner
Points - : -
Avis :
J'avais vu ce livre dans la librairie de mon quartier à la rentrée littéraire. Il était mis en évidence et directement je me suis dit : "Oh mais pourquoi pas prendre celui-ci, c'est vrai que j'ai l'autre roman de l'auteur qui m'attend et que je n'ai pas lu depuis un an, ce serait dommage de se priver !". Et puis finalement je l'ai commandé pour Noël, et quelqu'un qui a bon goût a fait le bon choix parmi la liste ! Je ne suis pas spécialement attirée par les livres qui ont obtenu de prix prestigieux - ici le Prix Pulitzer - et j'étais plus attirée par l'histoire, le thème et la façon dont c'était tourné. Qu'en est-il alors ?
Elwood est un garçon brillant : il est curieux et volontaire et sa soif d'apprendre l'amène jusque sur les bancs de l'université. Mais alors qu'il est en chemin pour y aller, il est emprisonné sur un malentendu, accusé uniquement parce qu'il est noir. Il échappe à la prison mais se retrouve à la Nickel Academy, un centre de redressement pour les jeunes délinquants, dans lequel la ségrégation continue, accompagné des coups, des viols, du chantage, de la torture, parfois jusqu'à la mort. On est, comme vous pouvez le constater, encore dans un ambiance radieuse ! Le soleil brille et les oiseaux chantent...
Ce livre n'a pas été un coup de cœur mais je ne saurais pas dire ce qu'il a manqué pour qu'il le devienne. Il est clair que je n'ai pas pu rester insensible au sort d'Elwood, à sa naïveté et son tempérament doux et juste. Elwood accepte d'abord sans trop rechigner à aller à Nickel, mais parce qu'on lui vend l'endroit comme un bel établissement d'apprentissage, avec les restrictions en plus. Il déchante vite, très vite. Conscient du racisme de l'endroit, il apprend à ses dépends que la justice n'existe pas non plus à Nickel. C'est la loi du plus fort qui l'emporte. En l’occurrence, les plus forts, ce sont les Blancs, et après les Blancs, le personnel, le directeur.
La violence est partout à Nickel. C'est un véritable briseur de vies. Les tortures psychologiques et surtout physiques y sont légions. C'est d'autant plus horrible lorsqu'on sait que c'est inspiré d'une histoire vraie. L'auteur s'est inspiré des récits de vrais Nickel Boys (de la Dozier School) pour créer ses personnages.
Malgré tout cela, la roman n'est pas si sombre. Certaines scènes sont affreuses, ce serait vous mentir que de dire le contraire mais le découpage du récit est fait d'une telle façon que les scènes se succèdent entre moments d'espoir et moments affreux. Lorsque les garçons ne sont pas confrontés aux adultes, ils travaillent à l'école, aux champs, ou à la ville. C'est dans ce contexte qu'Elwood rencontre Turner qui ajoute vraiment un peu d'apaisement. Je ne sais pas vraiment comment l'expliquer.
Turner est un personnage cynique, fataliste et pas vraiment prêt à aider son prochain au premier abord. Débrouillard depuis l'enfance, il prend Elwood sous son aile et lui apprend les manigances qui rendront sa vie à Nickel plus supportable. Il attend son moment pour partir, même si quiconque à voulu fuir s'est retrouvé à la Maison Blanche - la cabane dans laquelle les Blancs torturent les garçons. Elwood est un éternel optimiste mais vraiment déterminé à sortir de cet endroit autrement que par la fuite. Il est persuadé qu'à force de travail et de rigueur, on le laissera sortir. A-t-il raison ?
Revenons sur la façon dont le récit est découpé : c'est chronologique, ça nous permet de voir l'évolution d'Elwood dans cette prison, de le voir se faire des amis, de voir comment évoluent ses amis, ses camarades aussi... Cependant il n'y a pas de réelle continuité. On peut passer d'un chapitre qui parle de la situation de Turner, pour passer ensuite à un chapitre qui parle d'un tout autre garçon. Ça ne me dérange pas : ainsi, l'auteur peut dévoiler tout ce qui a pu se passer derrière ces murs. Le récit commence d'ailleurs dans le présent et avance sous forme de flash-back. On reste quand même bien au temps de Nickel...
En conclusion, c'est un magnifique récit inspiré d'histoires vraies, qui vous touchera certainement bien qu'il faille s'accrocher à la lecture de certains passages. Les personnages de Turner et d'Elwood apaisent un peu le tout avec leur complicité et leurs rêves. Merci à Colson Whitehead d'avoir mis en lumière une face oubliée de l'Histoire américaine. Sachez que l'établissement est resté ouvert jusqu'en 2011 ! Et cela fait sûrement écho à des scènes plus modernes. J'espère vous avoir donné envie de découvrir l'histoire d'Elwood et sinon, au moins vous avoir donné envie de connaître cette face de l'Histoire.
Pour aller plus loin :
Les détails glaçants du pensionnat de l'horreur
Présentation du livre et de l'auteur - Éditions Albin Michel
Page 13 :
"Depuis quelques années, d'anciens élèves montaient des groupes de soutien en ligne et se réunissaient de temps à autre dans des diners et des McDonald's. Dans une cuisine, à une heure de route. Ensemble, ils se livraient à leur propre archéologie fantôme, fouillaient les décennies et rendaient aux yeux du monde les fragments et objets de cette époque. Chacun de ces hommes avait une pièce à apporter. Je me rappelle qu'il disait : Je viendrais te voir tout à l'heure. L'escalier branlant qui descendait au sous-sol de l'école. La semelle de mes tennis imbibée de sang. Rassembler ces morceaux pour confirmer qu'ils partageaient une même obscurité : si c'est vrai pour moi, c'est aussi vrai pour quelqu'un d'autre et je ne suis plus seul."
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J'aime tout ce qui me rappelle que je ne suis pas seule à souffrir sur cette terre de Stéphanie Butland
Il faut vraiment que je tente ce roman !!
RépondreSupprimerJe le recommande ! Mais soit dans un bon "mood" :)
SupprimerC'est horrible de ce dire que ce type d'établissement existait encore en 2011 !
RépondreSupprimerEn tout cas, tu m'as donné envie de découvrir l'histoire d'Elwood même si ce livre ne doit pas être facile à lire.
Oui, il est assez difficile, mais rien que pour se renseigner, il vaut le détour.
SupprimerOui j'ai été choquée de lire ça, c'est marqué dans les remerciements. Et dans les articles cités. Comme quoi c'est pas si "vieux" ce genre de maltraitance.
Ce roman a l'air vraiment intéressant ! Il faudrait que je le découvre à l'occasion, même si il a l'air assez dur.
RépondreSupprimerIl est vraiment intéressant. Un thème difficile, mais à connaître.
SupprimerUn roman, inspiré d'histoires vraies, qui semble très intéressant. J'avais déjà repéré l'autre roman de l'auteur (Underground Railroad, que tu mentionnes au début de ta chronique) lors de sa sortie. Ce n'est qu'une question de temps, mais je pense que je finirai par lire cet auteur !
RépondreSupprimerOui je pense qu'il est vraiment à lire. Apparemment, Underground Railroad est plus dans le style "fantasy/UA" donc à savoir quel style tu vas préférer.
SupprimerVu ma curiosité, je vais probablement tenter les deux ^^
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