lundi 27 mai 2019

Orphelins 88

Titre : Orphelins 88
Auteur : Sarah Cohen-Scali
Édition : Robert Laffont (Collection R)
Parution : 2018
Nombre de pages : 432
Synopsis : Munich, juillet 1945. Un garçon erre parmi les décombres. Qui est-il ? Quel âge a-t-il ? D'où vient-il ? Il n'en sait rien. Il a oublié jusqu'à son nom. Les Alliés le baptisent "Josh" et l'envoient dans un orphelinat où Ida, directrice dévouée, et Wally, jeune soldat noir américain en butte au racisme de ses supérieurs, vont l'aider à lever le voile de son amnésie.
Dans une Europe libérée mais toujours à feu et à sang, Josh et les nombreux autres orphelins de la guerre devront panser leurs blessures tout en empruntant le douloureux chemin des migrants. 





Avis :
     Il existe des livres qu'on commence à lire et dont on sait qu'ils deviendront des coups de cœur. Orphelins 88 est de ceux-là. Je ne me mouillais pas trop : j'adore lire des romans historiques et j'avais déjà adoré Max, de la même autrice. Ce livre est certifié premier coup de cœur de 2019.

    Le contexte ? C'est la fin de la guerre : Hitler est mort, l'Allemagne est perdue et un petit garçon erre parmi les décombres. Il ne sait pas comment il s'appelle, mais sait juste qu'il sort de la Napola, une école d'enfants Lebensborn - des enfants typiquement aryens, enlevés à leur famille, ou encore, nés uniquement dans le but d'en faire de bons petits allemands. Comme bon nombre d'enfants perdus, il est récupéré et placé dans un orphelinat de fortune tenu par les américains et Ida, la responsable. Rebaptisé Josh en attendant de trouver sa véritable identité, il vit les arrivées des nouveaux venus, provenant des camps, ou du programme Lebensborn comme lui. Bien qu'il arrive à s'épanouir, l'envie de connaître ses origines devient sa priorité...


     Par où commencer pour parler de ce merveilleux livre ? Parlons de la façon dont il traite de la fin de la Seconde Guerre Mondiale. C'est l'un des livres les plus complet et les plus renseignés qu'il m'ait été donné de lire. J'ai eu l'impression que l'autrice n'omettait aucun détail de la période après-guerre : les orphelins, les rescapés des camps, leur longue guérison, leur renaissance, la présence des soldats américains et leur façon de faire découvrir les produits d'Amérique, leurs viols, la présence des Russes, la façon dont les Américains et les Russes se découpent les territoires allemands et Polonais, les autres massacres de Juifs en Pologne - les progrom - mais aussi la famine, les vagues migratoires de populations qui tentent de retrouver, famille, amis et maison... 

     L'histoire pourrait s'en tenir à "un jeune enfant perdu tente de retrouver ses origines tout au long du roman", mais ce serait presque triste de résumer ce roman à cela. Le récit est tellement riche que l'on peut trouver plusieurs histoires en une : celle d'Halina, rescapée des camps qui cherche à retrouver sa famille, Wally qui rêve d'un futur meilleur, et toute l'histoire de ce peuple allemand qui cherche à fuir la famine et le déshonneur, ou qui perd sa dignité pour chercher à manger. On se penche aussi sur l'occupation soviétique, loin d'être vus comme des héros. Le roman ne se concentre pas seulement sur l'Allemagne, mais aussi la France, la Pologne, et même le Japon. Je ne pourrais pas détailler en une chronique à quel point le récit est objectif et extrêmement bien renseigné.
    Ça semble lourd, écrit comme ça, mais contrairement à Max - que j'avais trouvé difficile à lire, étant donné la dureté de la narration et le thème abordé - on trouve ici des moments d'humanité, de joie, des jeux, le simple plaisir de manger, de se rencontrer, les découvertes des autres cultures... 

    Plus globalement, le personnage de Josh rend le récit plus doux. Il est plein d'innocence, de curiosité, d'envie de s'intégrer, de vivre le plus normalement du monde... j'ai été extrêmement touchée par son parcours. Il observe d'abord les situations d'un œil naïf, mais ensuite, sa vision des choses nous fait comprendre, à nous lecteurs, ce qu'il en est vraiment. On assiste à la perte de son innocence, sa prise de conscience face à tout ce dont il a pu échapper. Il a souvent l'esprit vif et la pensée tantôt acide et franche, tantôt humaine et compatissante.
    Les personnages de Wally et Ida aussi, contribuent à ce que le récit ne soit pas trop lourd. Wally est un jeune noir américain, militaire volontaire pour restaurer l'Allemagne après sa dévastation et son abandon par le pouvoir en place. Josh est en admiration devant sa Jeep, sa couleur de peau et ses rêves. Wally souhaite se marier à une européenne, et vivre une vie loin de la ségrégation - un bel optimiste en soit. Josh est en réalité le chouchou de tout le monde, hormis des enfants juifs rescapés, qui le mettent le plus souvent à l'écart, étant donné qu'il provient de la Napola. Wally et lui font la paire, puisque chacun essaie de s'intégrer dans un monde en pleine (re)formation.

    Parlons aussi de l'amnésie de Josh, qui rend son histoire si floue. Les souvenirs lui reviennent au compte-goutte, ce qui nous fait nous interroger sur son histoire, on reconstitue le puzzle, on s'imagine des choses, et puis finalement... non, je vous dis pas ce qui arrive finalement, vous n'aurez plus besoin de le lire, sinon ! Josh recouvre la mémoire de telle façon qu'on reste sur le qui-vive, le suspens est présent, et à travers son histoire, c'est celle de la guerre qu'on reconstitue. C'est fait très intelligemment. 


    Je ne taris pas d'éloges au sujet de ce livre. J'ai été agréablement surprise par ce roman. En voyant cette couverture noire et rouge, à l'écriture gothique, et le sujet traité j'étais là à me dire "Oh mais j'ai tellement envie de lire cette histoire, je suis sûre que c'est très renseigné, comme dans Max, mais en même temps, j'ai mis des semaines à me remettre du livre Max, est-ce que j'ai le temps pour ce genre de déprime post-lecture ? Est-ce que j'ai vraiment envie de connaître l'Allemagne d'après-guerre et l'histoire de Josh ?". Et finalement, oui. Ce livre est une claque. Je ne vous cache pas que certains discours ou scènes sont particulièrement horribles, mais en même temps, la dureté du livre est adoucie par la jeunesse, l'amitié, l'espoir d'un monde meilleur, l'échange entre les peuples... Je le digère mieux que Max. Même si j'ai eu la gueule de bois livresque parce que c'était tellement bien, je ne voulais pas lâcher Josh... 


    C'est une longue chronique non ? Vous avez envie de le lire ? Je vous ai assez exposé à quel point c'était bien, plein de suspens, d'anecdotes historiques et de personnages attachants ? Si jamais vous étiez tentés par ce livre suite à cette chronique très longue, je serai ravie, parce que j'ai envie de le brandir comme étant d'utilité publique. Il vaut mieux que de longs cours d'Histoire dans lesquels on vous cache trop de choses. Certains voient ce livre comme la suite de Max - que j'ai évoqué trop de fois, désolée - mais sachez que vous pouvez le lire indépendamment. En somme, c'est un livre que je garderai longtemps sur l'étagère !



Troisième partie, page 292 : 
"Les vêtements donnés par les associations caritatives sont, en grande majorité, à carreaux. On dirait que partout dans le monde, les gens ont voulu s'en débarrasser en même temps. Tiens, c'est moche, les carreaux, on les donne aux orphelins de la guerre !"


Lu dans le cadre du Défi Lecture 2019
6/100

Lu dans cadre du 
Challenge des pavés


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Le chant du Rossignol de Kristin Hannah
Max de Sarah Cohen-Scali
La part de l'autre d'Eric-Emmanuel Schmitt

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9 commentaires:

  1. Tu me donne trés TEES envie de découvrir ce récit. J'ai lu il y a peu de temps "Le chant du Rossignol" qui m'avait prit au trippes ! Côté Eric-Emmanuel Schmitt, il faut que je tente le coup car chaque récit que j'ai lu de cet auteur à été un vrai plaisir. Enfin, j'avais beaucoup aimé "les cerfs volants" de Romain Gary sur cette même thématique. La seconde guerre mondiale est un sujet qui m'intéresse et c'est une richesse que d'avoir tous ces écrits pour ne pas oublier l'horreur. Surtout pour notre génération et les futures qui sommes moins "proches" de ces événements que l'on été nos parents et grands parents.

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  2. C'est effectivement un devoir de mémoire, de lire ce genre de récit ou témoignage. J'ai peur de ne pas adhérer au style de Romain Gary mais pourquoi pas ?

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  3. Vu que j'ai adoré Max et que j'aime énormément la plume de l'autrice que cela soit sur Max ou sur Phobie, je suis très intéressée par ce roman. J'espère le lire un de ces jours ! En tout cas, tu donnes super envie :D

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    1. Merci ! En même temps, c'est + facile de convaincre quand c'est un coup de ♥
      On retrouve bien le style d'écriture de Sarah Cohen-Scali, et puis c'est dans la même trame que Max donc je suis sûre que tu aimeras :)

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  4. Max était une lecture intéressante, donc celui-ci me tente.

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    1. Et bien celle-ci est encore plus intéressante, j'ai trouvé ! Bonne future lecture !

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  5. Même si Max et Orphelins 88 sont deux romans qu'on peut lire indépendamment, j'ai vraiment très envie de les lire dans l'ordre donc c'est ce que je ferais.
    Ta chronique m'a convaincue, ne t'inquiète pas :)

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    1. De toute façon, je pense qu'il vaut mieux lire Max en premier. Ne serait-ce que pour se rendre compte de ce qu'était le programme Lebensborn. Et ensuite Orphelins 88, pour se rendre compte de l'après programme Lebensborn :)

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